"C'est par fragments que l'on se familiarise avec la civilisation des Ward, ses antécédants aux temps archaïques, son panthéon et sa cosmogonie, son histoire marquée par un « Grand Exode » (ar Wardwagan, en wardwesân), par des guerres, des avancées intellectuelles et techniques, des souverains charismatiques, de difficiles successions dynastiques... Par, aussi, l'émergence d'écoles philosophiques, de formes poétiques et littéraires singulières où trouvent à s'exprimer, avec force ou mélancolie, l'énigme de l'expérience humaine, l'effroi face à la mort. A travers tous ces textes, produits par la capacité spéculative et rêveuse de ce peuple imaginaire, la rencontre a bel et bien lieu, intense et poignante, entre le lecteur d'aujourd'hui et ces hommes venus d'antan, venus d'ailleurs."
Nathalie Crom - Télérama n° 3185 - janvier 2011
Le 27 mars 2012, la rencontre a eu lieu, bel et bien, belle et intéressante, entre les élèves de Savoir en Liberté et l'écrivain Frédéric Werst.
Zaragawad Agman, Les Chants de Jedra (27)
Les Chants de Jedra, composés en l’an 27, sont un exemple de la poésie officielle de la Cour de Mazra, où vivait leur auteur, Zaragawad Agman. C’est une consolation adressée au roi Zaragabal, après la mort de son jeune fils Athir, atteint d’une mélancolie incurable. Jedra est le nom de la ville du Makdar où le prince est mort. En voici une strophe.
nam kallān nāz zama
je Jedra yell yemōn jaman janarān
kerth karwan ar atha kanōn alkathe
em erka nēs etha nurza enweryn
nam yera na yamir naza yatharān
gēm erkam eth enzar gazar gawazhan
ar aga perth anke parxa pereman
ak neran ald anzōn norwa nazagēnd
ark warkon ab wamen adeth arkaphān
ath Athir man methōn magra abjarān
bar bizān baeth akan armagh barawan
za bama bāz zama zamō baraghan
Je chante le souvenir
Entre les monts de Jedra, je retrouve l’identique :
La pierre sacrée marque le lieu, dans un bosquet,
C’est ici que mon fils autrefois s’est tu.
Je croise un messager au discours du feuillage
Car le vent revient, et non l’enfant endormi.
Les autres plantes sont entravées par la vigne vierge
Qui signifie ceux qui sont partis trop jeunes.
Je me glisse près de l’acanthe (1), autel pour les morts,
Malgré le rite, je ne vais pas voir l’image d’Athir,
Mais je gémis les larmes que boivent les dieux,
Fontaines qu’ils versent dans notre mémoire.
(1) L’acanthe est une plante funéraire ; la vigne vierge symbolise ceux qui sont morts jeunes.